Quelle évolution pour les prix des émaux de Longwy ?

En 2023, une pièce rare de la manufacture de Longwy a atteint plus de 12 000 euros lors d’une vente aux enchères parisienne, alors que des créations contemporaines peinent parfois à dépasser quelques centaines d’euros. Les cotes fluctuent selon la période de production, la signature ou l’état de conservation, illustrant la disparité du marché.

Certains modèles Art déco connaissent des hausses marquées, tandis que d’autres restent stables depuis plusieurs années. Cette réalité reflète une histoire mouvementée, entre engouement des collectionneurs et incertitudes liées à la production actuelle.

Les émaux de Longwy, un patrimoine vivant de l’artisanat français

La faïencerie de Longwy s’est imposée depuis 1798 comme une référence majeure dans la céramique française. Fondée par la famille Boch, elle s’ancre dans le décor industriel de Longwy, en Meurthe-et-Moselle, au cœur de la Lorraine ouvrière. Sur ce territoire frontalier, marqué par l’acier et les hauts-fourneaux, un atelier voit le jour : ici, le geste artisanal traverse les siècles, se transmet et s’enrichit à chaque génération.

Parmi les étapes marquantes, le passage sous la houlette de Jean-Antoine de Nothomb puis la modernisation menée par Henri-Joseph d’Huart jalonnent la montée en puissance de la manufacture. L’établissement s’illustre aussi lors de la visite de Napoléon Ier, qui passe commande pour la Légion d’Honneur. Plus qu’un simple nom, Longwy incarne une filiation, une culture de l’innovation, de la famille d’Huart aux mains actuelles du groupe Emblem.

Le tournant décisif arrive autour de 1870 avec l’introduction du cloisonné. Ce procédé, qui façonne l’identité visuelle de la maison, propulse Longwy au rang d’acteur international. Chaque création, vase ou coupelle, porte la signature d’une technique méticuleuse. Les décors s’inspirent tant de la tradition lorraine que des influences asiatiques, affichant des couleurs éclatantes, des lignes nettes et des motifs abondants. Un style reconnaissable au premier coup d’œil.

Avec le temps, la manufacture des émaux de Longwy s’affirme comme un repère pour collectionneurs et passionnés d’arts décoratifs. Les faïences émaillées, fruits d’un dialogue entre la terre et l’émail, témoignent de la vigueur d’un patrimoine français solidement ancré à Longwy et qui rayonne bien au-delà des frontières lorraines.

Pourquoi ces pièces fascinent-elles collectionneurs et amateurs d’art ?

Les émaux de Longwy intriguent d’abord par leur technique unique. L’arrivée du cloisonné à Longwy, autour de 1870, sous l’impulsion d’Amédée de Caranza invité par les frères d’Huart, change la donne. Inspiré des émaux métalliques asiatiques, ce procédé structure la surface : chaque couleur est encadrée de fins filets noirs, créant une partition visuelle et une vibration des teintes impossible à imiter. La lumière rebondit sur chaque motif, transformant la faïence en paysage miniature.

La palette décorative est vaste : motifs floraux, géométrie affirmée, influences orientales ou japonisantes, reflet d’une époque avide de nouveautés. Le style Art déco et la dynamique des arts décoratifs français s’expriment pleinement lors de l’Exposition universelle de 1878 puis à l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925, propulsant Longwy sur le devant de la scène. Certains décors sont foisonnants, d’autres misent sur l’épure : tous séduisent, que l’on soit à la recherche d’une pièce rare ou simplement sensible à la beauté des couleurs et des formes.

La richesse des formes contribue aussi à cet attrait. Voici quelques exemples de pièces qui illustrent la diversité recherchée par les amateurs :

  • vases boule
  • œufs
  • boîtes
  • lampes
  • plats
  • assiettes
  • coupelles

Chaque objet, de la boule coloniale de 1931 aux signatures d’artistes contemporains, garde la mémoire d’une époque, d’un style, d’un geste. Les émaux de Longwy circulent bien au-delà du territoire français : Japon, Asie du Sud-Est, galeries européennes s’arrachent ces faïences. Posséder une pièce Longwy, c’est faire entrer chez soi une part d’histoire ouvrière et d’audace créative française.

Comprendre la valeur : entre savoir-faire, motifs et signatures

Plusieurs critères déterminent la valeur des émaux de Longwy. Le premier : le savoir-faire du cloisonné, qui exige une parfaite maîtrise de la barbotine, ce mélange de kaolin, d’argile et d’eau, appliqué avec minutie pour séparer chaque couleur. Cette technicité place Longwy à part dans le monde de la faïence décorative.

Le décor compte tout autant. Qu’il soit floral, géométrique, orientaliste ou japonisant, il influence la cote. Toutes les formes ne se valent pas : la boule coloniale signée Maurice-Paul Chevallier en 1931, par exemple, attire systématiquement les regards, tout comme les créations estampillées Lucien Lévy-Dhurmer, Jean Boggio, Primavera ou Stéphane Gisclard.

Un autre facteur de poids réside dans la signature. Les pièces authentifiées, éditées en série limitée ou issues de collaborations reconnues, se disputent lors des ventes. L’authenticité, vérifiée par certificat, rassure acheteurs et collectionneurs dans un contexte où la copie existe.

Pour mieux cerner ce qui fait grimper la cote, plusieurs éléments sont à prendre en compte :

  • Période de production : l’époque Art déco reste la plus recherchée.
  • État : une pièce impeccable, sans trace de restauration, attire l’attention.
  • Rareté et provenance : les objets issus de séries courtes ou dotés d’une histoire documentée suscitent un intérêt accru chez les connaisseurs.

La valeur des émaux de Longwy se construit donc à la croisée de l’excellence technique, de la qualité des décors et de la singularité de chaque objet.

Jeune homme regardant des pieces en enamel Longwy lors d

Évolution des prix des émaux de Longwy : tendances et perspectives actuelles

Sur le marché français, les émaux de Longwy affichent une réelle volatilité ces dernières années. L’écart se creuse nettement entre les pièces courantes et les modèles d’exception. Sur des plateformes comme Leboncoin, Etsy ou eBay, on trouve de petites pièces, bonbonnières, coupelles, vases de faible taille, proposées entre 80 et 200 euros, parfois moins quand la provenance ou l’état sont moins attrayants. L’acheteur y recherche souvent l’esthétique, la nostalgie, sans engager de sommes importantes.

Le marché des enchères, quant à lui, réserve un tout autre traitement aux pièces remarquables. Chez des experts tels que France Estimations, Est Enchères ou Guizzetti & Collet, la hiérarchie s’inverse : les objets signés, issus de séries limitées ou des grandes années (art déco, années 1930), dépassent facilement les 2 000 à 8 000 euros. Une boule coloniale de 1931, en parfait état, se négocie parfois entre 12 000 et 15 000 euros. Même restaurée, sa cote reste élevée, oscillant entre 1 000 et 2 000 euros. Les créations contemporaines à tirage limité se font aussi remarquer : la boule Lisa de Gisclard est montée à 3 687 euros, tandis que le vase « Paquebot Normandie » de Curetti a atteint 7 800 euros.

Porté par l’intérêt croissant d’acheteurs internationaux et l’attrait renouvelé pour la faïence cloisonnée, le marché reste sélectif. Les ventes récentes le montrent : décors rares, signatures prestigieuses, provenance solide font grimper les enchères. Si les chefs-d’œuvre historiques dépassent parfois les 10 000 euros, la majorité des pièces se négocie aujourd’hui entre 500 et 2 000 euros. Quoi qu’il arrive, la cote des émaux de Longwy continue de s’appuyer sur la qualité, la rareté et l’histoire portée par chaque objet. Une dynamique vivante, où chaque acquisition écrit une page de plus à ce patrimoine singulier.